LES MYSTERIALES 2022 : MARION DU FAOÜET

A l’occasion du festival Les Mystériales, nous avons pu présenter des femmes réelles ou imaginaires. Marion du Faoüet est une cheffe de brigands qui vécut en Bretagne au XVIIIeme siècle. La bande dessinée est présentée par Sandrine Pondaven, des éditions Locus Solus.

Vous pouvez retrouver l’ouvrage de Roland Michon et Laëtitia Rouxel sur le site des éditions Locus Solus

LE PHARE AU CORBEAU : LA SOIRÉE

Le 10 septembre dernier, Rozenn Illiano rencontrait ses lecteurs à L’Heure du jeu. Si Le Phare au corbeau est son premier roman à compte d’auteur, elle a déjà édité une dizaine de romans, des albums illustrés, en auto-édition. Quand elle a commencé, elle créait des bijoux, elle illustrait… Petit à petit, seule l’écriture est restée. Elle a commencé par des nouvelles, avant de passer progressivement au roman. Actuellement, elle n’écrit que çà. Si le genre diffère (urban fantasy, vampirisme, etc.), la plupart de ses histoires sont reliées vers une fin, une apocalypse qui aura lieu le 18 janvier 2016. Pour se retrouver dans les différents récits, elle utilise le logiciel Aon Timeline..
Au quotidien, elle écrit 4 à 5 heures par jour. Généralement, elle a envie de traiter un sujet qui lui tient à cœur, ou une chronologie en particulier. Quand elle a une idée, il y une phase intense de documentation. Pour Le Phare au corbeau, ce fut 15 jours avant de pouvoir écrire. Ce livre a été écrit en un mois. C’est le cas de la plupart de ses écrits. Si elle ne suit pas le Nanowrimo (1), elle en suit le principe. Elle connaît le début et la fin de l ‘histoire. Elle écrit de façon architecturale. Elle a besoin de tout connaître et d’organiser son univers. Elle écrit au fil des chapitres.

Avec cette histoire, elle voulait écrire sur la Bretagne, plutôt sur les Côtes d’Armor, car ses grands-parents en sont originaires. Elle ne veut pas être cataloguée folkloriste, car elle connaît mal celui de la Bretagne. Ce qu’elle raconte, au-delà des contes, c’est l’omerta qu’il y a dans les villages, le fait qu’on appelle sorcière des femmes seules, différentes, qu’on va stigmatiser. Dans ce récit, il y a un mélange de deux fantastiques : celui traditionnel avec cette ambiguïté, cette hystérie collective qu’il peut y avoir. A côté il y a un fantastique plus moderne, plus pop-culture. Le phare au corbeau mélange la classique histoire de fantômes, mais aussi une partie moderne avec son enchevêtrement dans les époques. Le phare au corbeau montre deux exorcistes qui sont des personnages parallèles. Agathe est bisexuelle, elle peut voir les esprits. Isaïah est homosexuel et peut conjurer les esprits par les sorts. Rozenn voulait montrer ce parallélisme et cette opposition (lui est accepté par sa famille/elle a été rejetée). Dans cette histoire, la nouvelle enquête va se révéler plus compliquée que prévue. Si on suit la première aventure du duo, le sous-titre (Magie grise) laisse imaginer une possible suite. Rozenn insiste sur le « possible » car son roman se passant en 2014, elle n’a pas beaucoup de marge avant l’apocalypse de son grand projet.

Etre éditée à compte d’auteur, ça change tout. D’habitude, elle n’a pas de bêta-lecteur, de correcteur. Rozenn considère que c’est sa création. Avec ce nouveau roman, elle a du s’entourer de l’équipe éditoriale de Critic. La direction d’ouvrage fut confiée à Étienne Vincent. La partie correction n’a pas été simple. Étienne lui a demandé de faire des phrases plus courtes. Elle a eu l’impression de changer son style. Seul un chapitre a été réécrit et toutes les propositions de son directeur d’ouvrage n’ont pas été acceptées. Au final, Rozenn se demande si son style n’a pas changé, comparé aux autres livres.

Quand on lui demande pourquoi être éditée chez Critic, elle répond en souriant : «Ils vont arrêter de me casser les pieds à leur envoyer un roman.».

(1) Le Nanowrimo est un événement qui se déroule tous les ans au mois de novembre. C’est l’acronyme de National Novel Writer Month (mois national de l’écriture d’un roman). Il s’agit d’écrire un roman de 50 000 mots en un mois

LES OMBRES DE KEROHAN

les-ombres-de-kerohanViola et Sébastian sont envoyés en Bretagne après le décès de leur maman. Alors qu’ils auraient du y goûter le repos, ils trouvent un manoir vidé de ses domestiques, un oncle occupé par son travail, une famille minée par une santé fragile. Et quelle est cette présence qui semble plâner sur le manoir ? Pourquoi le docteur Vesper leur conseille de ne pas quitter la demeure ?

Si j’avais apprécié Le Miroir aux Sortilèges, ce nouveau récit de N.M.Zimmermann est autrement plus angoissant. L’histoire se déroule en Bretagne, dans un XIX siècle qui n’est pas déterminé (la date sera précisée à la fin). Les deux points forts de ce roman, c’est l’ambiance et le quotidien. Apparemment, il ne se passe rien, mais des détails font céder la normalité au fantastique. Que ce soit les dialogues, les ombres, les « rêves », rien ne contribuera à la tranquillité ! Quant à l’ambiance, dès les premières lignes, le lecteur sentira une oppression permanente. Dans ce lieu bizarre, seule Viola semble normale. A douze ans, elle doit être l’aînée, prendre les bonnes décisions et veiller sur son frère. Un cadet trop calme, aux yeux verts trop intenses, qui pense avoir vu l’Ankou et les korrigans ! Pour les adultes, l’enfant a rêvé, pour Viola, elle essaye de trouver une base logique à tous ces évènements.
On l’aura compris, N.M.Zimmermann joue avec nos nerfs et ce, dès les premières lignes. Un voyage entre Savenay (Loire-Atlantique) et le manoir de Kerohan (Hanvec-Finistère) qui semble durer des heures, un manoir vide et poussiéreux, des pièces fermées, des secrets, le folklore breton. Tout est là pour nous faire frissonner et se sentir mal à l’aise. L’autrice retranscrit très bien ces sentiments et malgré le peu d’action, l’histoire se lit facilement, sans ennui. On est même plongé dans l’histoire.
Sur son blog, l’autrice montre les racines du récit. Si elle écrit avoir voulu faire un hommage à Shirley Jackson, j’y ai vu aussi une parenté avec La Chute de la Maison Usher. Si la plupart des évènements trouveront leur solution, tout n’est pas dit et le livre se referme sur une atmosphère, certes, apaisée, mais où le fantastique est encore imprégné.

Pour l’anecdote, j’ai du subir les attentes interminables dans la gare de Savenay. Que ce soit en tant qu’interne, étudiant, voire vacancier, les correspondances n’étaient pas au mieux. A une époque où Internet débutait, où le téléphone portable n’était qu’un projet, se retrouver coincé dans cette gare était un purgatoire. Un café souvent fermé, une gare froide, ses bancs, son distributeur automatique. On peut comprendre l’ennui des jumeaux et de la gouvernante.

Les Ombres de Kerohan est un récit fantastique. Entre folklore breton, gothique, voire ambiance de la firme Hammer (ancienne production britannique ayant réalisé plusieurs classiques cinématographiques), le lecteur se laissera prendre dans cette ambiance froide et humide. A lire pour frissonner au coin du feu.

LES OMBRES DE KEROHAN
AUTRICE : N.M.ZIMMERMANN
COLLECTIONS : MEDIUM
EDITIONS : ECOLE DES LOISIRS

LA MERVEILLEUSE HISTOIRE DES EDITIONS ROA

editions-roaDe 1949 à 1984, Les éditions ROA ont permis de faire vivre au jeune lectorat des milliers d’aventures. Guerre, western, chevaliers, etc. Avec un détail. Toutes les revues publiées dépassaient rarement la Bretagne !

La Merveilleuse Histoire des Editions Roa est un double récit. Tout d’abord, c’est celui, passionné, d’Alain Chevrel. IL raconte sur son blog puis dans ce livre, les éditions ROA. Une « petite » maison d’édition qui de 1949 à 1984 a créé des centaines de revues. Tous les genres vont être abordés et si tout ne se fait pas dans la finesse (censure, clichés, etc.), les 112 titres ont eu le mérite d’exister. Quand on pense que les mensuels n’ont existé que par la volonté d’un seul homme : John King alias Jean Roy qui donne légitimement son nom aux éditions. Toutes les idées de scénario sont de lui. La profusion des titres, la profession de foi de plaire à tout le monde (quitte à retourner sa veste) montre la passion autour de ce métier : raconter des histoires.
Alain Chevrel puis Laurent Lefeuvre l’auront bien compris. Ils explorent le catalogue des éditions tout en le « comparant » aux mensuels tels que Akim, Blek Le Roc ou les éditions Marvel, voire le mensuel Strange. Outre les histoires, il y a ces mystères : On ne sait presque rien de Jean Roy et pourquoi retrouve-t-on des mensuels en Asie ou en Israël, alors qu’il semble impossible de les trouver en France. Son terreau (fertile) semble être la Bretagne. Comme gage de qualité, plusieurs auteurs montrent à leurs façons le respect qu’ils ont des éditions Roa : François Boucq, Franck Margerin ou François Corteggiani.
Ce livre a aussi une jolie histoire. Laurent Lefeuvre, jeune auteur, reprend à son compte Tom et William et Fox-Boy, tous deux issus du catalogue des éditions Roa (alors défuntes). Alain Chevrel, se décide à le rencontrer. Une entente réciproque se lie entre les deux passionnés. Le résultat, vous l’avez entre les mains !

Le deuxième récit se dilue dans le premier. Tout ce que vous avez lu sur les éditions Roa est faux. Laurent Lefeuvre, seul à la barre, écrit des chroniques sur le blog des éditions Roa. Le blog deviendra ce beau livre, édité en forme de faux-documentaire. Pourquoi un tel canular (exceptionnel en passant) ? Laurent Lefeuvre, malgré son jeune âge à une mémoire et une curiosité exceptionnelles. De Strange à Akim, de Captain Swing à Hercule, des contes de Bretagne à l’Echo des Savanes, l’auteur a su garder l’esprit ouvert, à remettre dans leurs contextes les histoires et les auteurs. Ce formidable savoir, il l’applique dans les fictives éditions Roa. On découvre des tarzanides, des dessinateurs mercenaires quand d’autres ne veulent pas voir leurs noms cités. Si on reconnaît nombres de héros « pastichés » pour l’occasion (Sergent Rock, Iron-Man, Cyclope, etc), il n’oublie pas les auteurs : Frisano, Mitton, Molinari, même s’il détourne les noms.
Oui, Laurent est un farceur. Dans son texte comme dans ses dessins, il n’hésite pas à emprunter les patronymes, les attitudes de personnages, à critiquer les productions, tout en jouant avec le lecteur. Ainsi, dès la première page, un lecteur attentif comprendra la supercherie (l’image du footballeur se prénommant Laurent Lefeuvre…)

Si ce travail est titanesque, on peut en tirer deux choses : C’est un formidable hommage aux revues qui sévissaient chez les marchands de journaux. Revues qui n’existent plus. D’autre part, c’est une continuité entre divers médias (livres-Internet-revues) montrant que les héros sont immortels. Ainsi, de Tom et William à Fox-Boy en passant par Le Garde Républicain, plusieurs fils rouges s’éparpillent pour dissimuler la même source : l’amour des histoires et le coeur d’un « grand » gamin.

On ne pourrait refermer ce livre sans remercier les éditions Mosquito. Leur travail éditorial n’est pas assez mis en avant et la prise de risque d’un tel livre est haute. Merci à eux de l’avoir édité.

Allez sur le blog d’Alain Chevrel
Allez sur le blog de Laurent Lefeuvre

LA MERVEILLEUSE HISTOIRE DES EDITIONS ROA
AUTEUR : LAURENT LEFEUVRE/ALAIN CHEVREL
EDITIONS : MOSQUITO

U4 : KORIDWEN

koridwen-u4Au fin fond de la Bretagne, Koridwen a survecu au filovirus U4. Contre toute-attente, elle se red à Paris, en tracteur. Elle emmène avec elle, Max, son cousin, légèrement attardé. 541 kilomètres les séparent de la capitale. Un rendez-vous les attend le 24 décembre. Un rendez-vous fixé le maître d’un jeu en ligne : Warriors Of Time.

Yves Grevet (Nox, Des Ados Parfaits) s’est embarqué dans le projet U4. Quatre auteurs, quatre romans qui parlent de survivants après une apocalypse. Les adultes n’ont pas survécu. Après le Stéphane de Vincent Villeminot, j’ai plongé avec délectation dans l’univers d’Yves Grevet. Des les premières lignes, il accroche son lecteur par sa plume élégante et sympathique. Il ne nous lâchera pas durant les 400 pages du roman.
Outre le style, l’auteur a rajouté un brin de magie celtique. Koridwen aurait des dons. Ce sera au lecteur de le découvrir, mais cette quête initiatique ne sera pas sans quelques éléments magiques : une personne protégée par les dieux, des incantations considérées comme la plus ancienne poésie bretonne.
Quant à Koridwen, ce voyage sera une double quête initiatique : le rendez-vous donné par Khronos et ses dons qu’elle ignore. Foncièrement gentille, elle n’hésite pas à défendre ses amis, au point de passer le point de non- retour. L’auteur ne s’embarrasse pas de faux-semblants. les maladies, la folie, la mort seront le lot quotidien des personnages. Chaque auteur va gérer sa création. Est-ce son caractère, les incantations ou son don ? Koridwen ne baissera jamais les bras. Elle évite de trop réfléchir, elle tente d’avancer pas à pas.
Ce deuxième tome indépendant montre la difficulté d’assembler 4 auteurs autour d’un même espace temps. Les personnages se croisent, on commence à comprendre les interactions (quitte à relire les précédents romans). Bien qu’il se déroule en parallèle de Stéphane, Koridwen est un roman de survie positif, elle en est le contraire. Deux personnages d’autant plus troublants que les auteurs ont pris les personnages féminins et les autrices, les personnages masculins. A suivre pour connaître les 4 visions des personnages.

A l’opposé de plusieurs romans post-apocalyptique, Koridwen est un livre qui prône l’amour et ce qu’il y a de meilleur en nous. Néanmoins réaliste, il nous invite à nous dépasser et à croire en nos proches.

U4 : KORIDWEN
AUTEUR : YVES GREVET
EDITIONS : NATHAN/SYROS

Lire la chronique de U4 : Stéphane

BIGUDEN T2 : BUGUL-NOZ

biguden-t2-Stan-silasDepuis la mort de Gaud, Biguden a pris la relève et prend son travail très au sérieux, mais autour d’elle la situation se complique. Des enfants disparaissent, malgré le couvre-feu. Goulwen essaye de gérer ses sentiments et le bagad tente de recruter (encore) son joueur de biniou.

Après un tome de présentation, Stan Silas intensifie son propos. Ses personnages sont des bras cassés qui essayent de vivre leurs destins. Alors que chacun essaye d’une (mauvaise) façon de réussir dans sa vie, on a envie de rire, mais Stan Silas aime ses personnages. Si l’album est aussi humoristique, l’auteur n’oublie jamais de mettre de l’émotion. Ses personnages, malgré leurs défauts, sont humains et ils tentent de s’en sortir. Si l’histoire semble simple, l’ensemble du récit est maîtrisé. L’auteur assure temps d’actions et d’émotions, tout en faisant avancer l’histoire. Certaines scènes resteront en mémoire comme le combat entre le bugul-noz et Biguden, avec un biniou (non, nous n’en dirons pas plus… Allez voir page 57)
Côté magie, on sera servi. Si le premier tome faisait rencontrer l’Ankou, ce deuxième livre met en présence le bugul-noz. Pour les lecteurs qui ne le savent pas, cette créature peut être apparentée au croque-mitaine ou au loup-garou. Les mères se servent de cette légende pour effrayer les enfants. Il sortirait la nuit pour prévenir les bergers de rentrer. S’il est métamorphe toutes les histoires s’accordent sur deux faits. Il a un grand chapeau et il est accompagné d’un troupeau de moutons. Comme à son habitude, Stan Silas fait sa propre version de la créature fantastique. A côté du bugul-noz, on retrouvera d’autres créatures magiques (korrigans, licornes, fées, morgane, etc.).
Le graphisme de Stan Silas est toujours aussi agréable. Il emprunte à l’animation japonaise et au franco-belge dans un mélange réussi. Ce deuxième tome permet d’améliorer ses décors, d’enrichir les cases, mais surtout d’assurer une mise en couleurs superbe.

Un deuxième tome qui paraît 9 mois après le premier, une histoire complexe qui n’oublie pas d’amuser les lecteurs et un graphisme chaleureux. C’est ce qu’on appelle une réussite, non ?

Pour mieux connaître l’auteur, voici une interview réalisée à Quai des Bulles.

BIGUDEN T2 : BUGUL-NOZ
AUTEUR : STAN SILAS
EDITIONS : EMMANUEL PROUST

Cette chronique est parue dans le cadre de la BD de la semaine. Aujourd’hui, elle est hébergée par Un Amour de BD. On y retrouvera le détail des autres participants.

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RENCONTRE AVEC STAN SILAS

SILAS_2 Rencontre avec un auteur talenteux et humoristique. Ses racines ? Il les trouve au cinéma, au Japon ou à la télévision. Il les mélange et nous les offre pour mieux nous faire rêver.

Bonjour Stan, il paraît que tu n’aimes pas trop,parler de toi sauf quand tu as bu. Cette interview est un portrait de toi. Est-ce qu’un verre d’eau conviendra ou, du fait de Biguden, tu préfères le mélange saké-chouchen ?

Stan Silas : Je déteste le chouchen. Je préfère le saké à la rigueur, mais comment le sais-tu ? (rires)

Je me renseigne

Stan Silas :J’ai encore du trop parler. (rires)

Il y a presque deux ans, tu écrivais : « Dans la bande dessinée, ce qui marche, ce qui fait rentrer du pognon, c’est le local, la bande dessinée régionale ». Tu ne fais pas ce métier pour l’amour de l’art ?

Stan Silas : J’ai dit çà ? En effet, je suis là pour le pognon (rires). Ca se voit. (il montre sa veste, son t-shirt, sa casquette).

La série Norman, qu’il soit question de Norman Bates ou Norman Osborn montre une classe particulière.. Pourquoi la représenter avec des enfants psychopathes, une maîtresse alcoolique ?

Stan Silas :Je ne suis pas super fan des enfants, mais ils ont pour eux de dire ce qu’ils pensent, sans retenue. S’ils ont envie d’être méchant, ils le sont vraiment. C’est pratique pour moi, les enfants.

Comment est née ta deuxième série Sylvaine ?

Stan Silas : Sylvaine est un personnage que j’affectionne particulièrement. C’est une occasion de rire sur les choses affreuses de la vie. Je me suis servi d’un enfant naïf pour montrer les horreurs de la vie. Ca me fait beaucoup rire, même si ça grince à quelques endroits. C’est le Rémi Sans Famille rigolo que je voulais mettre en place.

Revenons à Biguden. N’est-il pas trop difficile d’expliquer à un éditeur suisse, la breizh-attitude, mâtinée de Japon ?

Stan Silas : Je ne me suis pas cassé la tête. Je lui ai envoyé 6 planches avec une idée de scénario. La réponse positive a été immédiate. Mon éditeur devait être super ouvert ou… Il y avait un truc…

J’ai cru comprendre que tes dédicaces sont principalement des chats et des meurtres. Pour Biguden, tu feras des crêpes et des seppuku (le suicide rituel japonais) ?

Stan Silas : Pour les premières dédicaces, j’ai surtout fait des Biguden en bateau, mais on me demande aussi la grand-mère avec des korrigans. Ce sont essentiellement les dédicaces que je ferai 150 fois ce week-end.

J’espère que tu en feras plus de 150

Stan Silas : Pas moi (rires), mais si je pouvais en vendre plus, ce serait bien.

Au-delà de la parodie, Biguden est un réel hommage aux deux cultures. Si pour la Bretagne, tu es rennais, d’où viens ton savoir sur le Japon ?

Stan Silas : Je suis passionné par le Japon depuis tout-petit. Ca a commencé avec Dragon-Ball (que je regardais encore au lycée). J’étais dans l’animation japonaise et les mangas depuis très longtemps. Comme beaucoup de gens de mon âge, je m’y suis intéressé, j’ai appris des choses. Dans le livre, ce n’est pas très élaboré. Je me sers surtout des clichés qui nous font rire.

 Si tu délaisses les meurtres de Norman, Biguden est assez tapageuse. Comment expliques-tu cette violence dans tes livres ?

Stan Silas : Sur le caractère de Biguden, vous en saurez plus sur les tomes suivants. Personnellement, je préfère quand ça bouge. Dans ce livre, j’ai pu me faire plaisir, j’ai mis quelques scènes d’actions. Ca rend l’ensemble dynamique. Elle a du caractère et ça vole !

Par-rapport au caractère, on remarquera que Biguden peut avoir des yeux rouges par moment. Ca m’a fait penser aux berserkers.

Stan Silas : En effet, ce n’est pas pour rien qu’elle a cette particularité, mais je ne peux pas en dire plus. Il n’y aura que trois tomes, donc « l’énigme » sera vite résolue.

Si on pense que Sylvaine trouve Biguden très bien, que pense Norman de l’Ankou ?

Stan Silas : Je pense qu’il doit être un peu déçu. L’Ankou tue parce que c’est son travail et il n’est pas spécialement ravi de le faire. Pour Norman, le meurtre, c’est une passion.

D’ailleurs, ton personnage de l’Ankou est un peu empôté.

Stan Silas :En effet, mais, ça aussi, ça pourrait changer.

Peut-on espérer avant septembre 2015 un deuxième tome ?

Stan Silas : J’espère pouvoir terminer Biguden et ses trois tomes d’ici la fin de l’année prochaine. Ce qui me prend le plus de temps, c’est l’histoire et le story-board. Le dessin et la couleur, je peux travailler plus rapidement.

Un réalisateur a commencé dans le gore, comme toi, avant de faire un virage presque total dans le fantastique et la fantasy. Il est question de Peter Jackson (Le Seigneur des Anneaux, King Kong, Bad Taste, Brain Dead, etc.). Espères tu faire le même parcours ?

Stan Silas : (Il pouffe) Si je pouvais, ça serait génial. Beaucoup de réalisateurs et d’acteurs connus aujourd’hui ont commencé dans des petits films d’horreur. Je n’ai pas fait çà pour çà, mais ça serait cool.

Entre 2007 et 2011, tu es assez productif, avec 7 albums. Est-ce pour battre Ced ?

Stan Silas : Non, on n’est pas sur le même registre. Ced fait du scénario, c’est très facile. (Rires). Non, Ced est un pote, qui est aussi productif et qui fait du théâtre d’improvisation à côté. Moi, je ne fais que de la bande dessinée.

La réponse de Ced : Faire du scénario, c’est plus facile, mais faire du bon scénario, sans mettre tout le folklore breton pour rameuter le plus de lecteurs possible à Saint-Malo. Faire du vrai scénario, ça prend un peu plus de temps.

Enregistré durant Quai des Bulles 2014

Lire la chronique de Biguden t1

BELLE-ÎLE EN PERE

belle-ile en pere-nicoby-weberVanessa Blue décide de prendre du recul, alors que sa carrière de comédienne est au zénith, grâce au feuilleton : « Au Premier Regard« . Elle se retire en Bretagne, à Belle-Île. Un lieu retiré du monde, mais qui attira aussi Sarah Berhardt…

Le duo Weber-Nicoby s’était illustré avec Ouessantines, ils remettent crayons et pinceaux avec Belle-Île en Père. Cette fois, ils mettent en « parallèle » la vie de deux femmes, deux stars de leur époque. D’un côté, on suit Vanessa, une people, « une célébrité Kleenex » comme elle dit. Elle se cherche… D’où elle vient, où va-t-elle… De l’autre, on voit Sarah Bernhardt qui plie à sa volonté, Belle-Île, tout en pliant elle-même face à la nature de l’endroit.
Si le postulat de l’histoire est intéressant, on ne sait pas trop quelle est la finalité du récit. Le parallélisme entre les deux comédiennes s’élargit, au point de laisser la place à Vanessa Blue. Critique sociale ou chronique intime sur fond de carte postale. Soit Belle-Île en Père manque de liant, soit il fallait faire deux livres.
Le style de Nicoby, semi-réaliste, fonctionne toujours aussi bien. Proche d’un croquis très travaillé, on appréciera son ambiance « sauvage » où il met en exergue quelques détails.
Anecdote amusante, on croise un journaliste de la rédaction de Grand-Ouest : Brieg Le Plouec’h. Si derrière le journal, il fallait reconnaître Ouest-France, les habitués de la bande dessinée auront reconnu Brieg Haslé-Le Gall, journaliste bande dessinée membre de l’ACBD, rédacteur en chef d’Auracan.com, rédacteur de Rubrique BD de Carrefour Savoirs, historien de la bande dessinée pour Hachette Collections. Brieg (ami et collègue) se retrouve propulsé rédacteur de Belle-Île (alors qu’il a vécu à Ouessant).

Si l’ensemble est sympathique, le récit est trop anecdotique, pour qu’on ne voit qu’une carte postale. Ouessant, Belle-Île… Va-t-on avoir Groix et Sein ?

BELLE-ÎLE EN PERE
AUTEUR : PATRICK WEBER
DESSIN : NICOBY
EDITIONS: VENTS D’OUEST

LES SOULIERS ROUGES T2 : L’ALBINOS

souliers-rouges-t2-albinosLes coupables du meurtre ne sont pas retrouvés. Allemands et collabos sont sur les dents. La région est le spectacle de fouilles et d’interrogatoires. Tous les moyens sont bons pour faire avouer. Pour Georges et Jules, l’étau se resserre.

Le premier tome des Souliers Rouges nous faisait découvrir un coin tranquille de Bretagne. La seconde guerre mondiale n’était presque pas arrivée jusqu’à eux. Ce deuxième tome nous détrompera. En 48 pages, c’est toute l’humanité qui est retranscrite. « L’Histoire est écrite par les vainqueurs » disait Sir Winston Churchill. Si par le biais des souvenirs de son beau-père, Gérard Cousseau nous raconte la seconde guerre mondiale et la résistance, il « omet » d’écrire l’histoire. Il montre des faits. Jules ne pourra pas jouer au héros, Dauguier et son équipe sont la lie de l’humanité (même les allemands les reprennent). Quant à Georges, il est ce clown moitié blanc-moitié auguste. Personnage central de l’histoire, tour à tour héros ou bouffon (quand il se moque de l’envahisseur).
Entre le premier tome et le second, il s’est écoulé 10 mois, mais les progrès de Damien sont visibles. Il est plus à l’aise avec le récit, ses couleurs sont « naturelles ». Certaines cases frisent avec le photo-réalisme. Mais ce qui marque dans ce tome, c’est l’humanité des auteurs. Si l’horreur doit être montrée, voir le sang et les tripes est à l’opposé de l’album. Par des procédés narratifs simples et (trop) efficaces, les cases prennent toutes leurs valeurs. C’est le souffle coupé qu’on assiste aux agissements de la soldatesque et de la milice. On voudrait aider mais « ce n’est qu’un livre ».
Le contraste entre le premier et le second album est saisissant. L’ambiance est ici lourde, poisseuse. Il semble que toute vie est partie. Heureusement, dans un dernier sursaut, les auteurs nous montrent un léger espoir. Avec Les Souliers Rouges, on est loin de Fifi, Gars du Maquis, on entre chez les gens, on vit l’horreur de la guerre et c’est les tripes nouées qu’on pense: plus jamais çà.

Si on affectionne les deux tomes, si les auteurs, par leurs techniques, ont créé un magnifique album, il est difficile d’aimer ce deuxième tome. La guerre c’est aussi tuer, torturer, les pulsions humaines les plus perverses qui remontent. Les auteurs ne font qu’effleurer cette violence et il ne faut pas la cacher. Un dyptique saisissant et bouleversant !

LES SOULIERS ROUGES
T2-L’ALBINOS
AUTEUR : GERARD COUSSEAU
DESSINATEUR : DAMIEN CUVILLIER
EDITIONS : GRAND ANGLE

Lire la chronique du premier tome

La chronique a été écrite dans le cadre de La BD de la semaine, hébergée aujourd’hui dans Les Chroniques de l’Invisible

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RENCONTRE AVEC LES EDITIONS CRITIC

eric-marcelinAlors que Fays est sorti cette semaine et que Breizh of the Dead continue d’envahir nos contrées, rencontre avec le directeur éditorial de Critic, Eric Marcelin.

En l’an 2000, vous ouvrez la librairie-café. 55 m2 de livres, dont la moitié consacrée à la bande dessinée, un rayon pour les littératures de l’imaginaire et il y avait une étagère consacrée aux livres policiers. 15 ans plus tard quel changement !

N’oubliez pas que sur les 55 m2, il y avait 20 m2 pour la partie café. Celle-ci a disparu depuis au profit du rayon littératures de l’imaginaire et au polar.

Dès qu’on entre, on s’aperçoit qu’il n’y a pas que des livres.

En effet, on a commencé à proposer du dvd. Si le choix est limité, on l’étoffe petit à petit. Par contre, on peut les commander comme des livres. L’équipe apporte le soin au conseil, le client peut l’avoir dans la semaine. L’autre nouveauté, ce sont les jeux de société. Ce sont essentiellement des jeux de plateaux qui s’expliquent et se jouent rapidement.

En 2010, vous devenez éditeur pour fêter les dix ans de la librairie. On reste sur de la science-fiction, du polar et de la fantasy. Vous dîtes alors que vous n’en ferez que trois par an maximum. Fin 2014, il y a 30 romans et un recueil édités. Soit le flux temporel n’est pas le même, soit il s’est passé quelque chose.

(Rires) Soit les éditeurs sont des menteurs, soit les libraires ne savent pas ce qu’ils disent ou nous nous sommes pris au jeu. Ou encore, on s’est retrouvé confronté à la réalité économique du livre. Si nous voulions exister en librairie, on ne pouvait pas se permettre de faire paraître deux livres par an, à moins qu’ils soient à chaque fois exceptionnels pour être remarqués. Tous les éditeurs veulent ses deux livres, mais il ne suffit pas de vouloir, il faut que les manuscrits arrivent et çà, c’est une autre histoire. Nous accordons beaucoup de confiance à nos auteurs, nous croyons en nos livres et nous fonctionnons ainsi. Souvent, quand on signe un contrat avec un auteur dans lequel on croît, on signe pour un deuxième livre avant qu’il soit écrit. Si on reçoit des manuscrits qu’on considère comme intéressants, on ne peut pas dire à leurs auteurs d’attendre, à cause des livres édités sur l’année… A partir de là, on s’est dit que ça devenait compliqué, parce que nous avions des livres sympathiques, prometteurs, que nous avions envie de faire paraître. On ne pouvait pas se permettre d’attendre. Je vais faire une promesse de Polichinelle, mais vu notre niveau, notre structure et notre nombre d’années d’existences, 10-12 livres par an, c’est très bien ! Ce sont 10-12 livres à travailler, à défendre, c’est déjà bien… Tout en continuant la librairie. Ensuite, si l’avenir, la chance et nos compétences permettent d’en sortir plus, pourquoi pas ? Mais nous ne pensons pas, dans l’immédiat, produire beaucoup plus.

En 2011, vous disiez que votre projet était « Finir d’asseoir la maison d’édition comme un éditeur passionné compétent et sérieux ». En 2014, projet abouti ?

Je pense, mais ce n’est pas à nous de le dire. On a des retours positifs, de lecteurs, de libraires. Nos sélections de textes semblent plaire, la qualité des ouvrages également. On a progressé. Les livres du début ne ressemblent plus à ceux de maintenant. Pour les 5 ans de la maison d’édition, on édite un magnifique livre. Notre premier livre à couverture rigide et dos toilé !

5 ans cette année et déjà 3 opérations ! En septembre, ce sont 3866 livres qui sont offerts aux étudiants. En octobre, le roman inédit de Julien Morgan (et sans licorne). En novembre, un premier roman cartonné. Ca va être comme çà toute l’année ?

(Rires) Non, c’est déjà pas mal ! L’autre évènement serait paru sans la date anniversaire. Ca tombe bien qu’il soit dedans. C’est la suite de Point Zéro, les aventures de la hard rescue. Un livre très attendu des lecteurs. Le premier tome a très bien fonctionné, on est à plus de 4000 exemplaires vendus sans presse spécifique. C’est uniquement du bouche à oreille qui fonctionne bien.

Merci Eric, à bientôt !