DRACULA

Jonathan Harker se rend dans les Carpates. Il doit rencontrer son client, le comte Dracula. Il laisse à Londres sa fiancée, Mina Murray. Si les premiers échanges avec Dracula montre un hôte prévenant, Jonathan se rend compte qu’il est prisonnier du château. Même ses divers stratagèmes pour envoyer du courrier seront voués à néant. Pendant ce temps, le comte Dracula prépare son voyage en Angleterre.

Ecrit en 1897 par Bram Stoker, Dracula est un immense succès. On ne compte plus les adaptations par les médias; qu’elles soient bonnes (Francis Coppola) ou différentes (Zoltan, le chien sanglant de Dracula).
Tout le roman est écrit de façon épistolaire. Journal intime, courrier, sténographie, rouleau de cire (pour le phonographe)… Le style est particulier. Chaque protagoniste à sa propre voix, son propre style. Le docteur Van Helsing a un style bref, direct. Celui du docteur Seward, enregistré principalement sur phonographe, va tout expliquer, etc. Ce style permet une note d’authenticité. Il date les événements. L’intrigue de Dracula se situe en le 3 mai et le 6 novembre de la même année (apparemment 1885).
L’autre point qu’on peut noter, c’est l’époque. En cette fin du XIXème siècle, nous sommes en pleine révolution industrielle. Electricité et machines à vapeur sont d’actualités. L’auteur oppose alors le progrès technique (phare électrique, phonographe, winchester, télégraphe, trains) et médicale (transfusion de sang, hypnose) aux superstitions, aux croyances ( religions, signes sacrés, contes). C’est le combat de la puissance anglaise contre la vieille Europe.
Quant aux personnages, on peut se demander si Bram Stoker a écrit des stéréotypes ou si il a volontairement écrit des clichés. Abraham Van Helsing est un personnage affreux (pour les lecteurs du XXIème siècle). Ses formules sont désuètes, mielleuses, patriarcales… Certes, c’est un hollandais avec toute la rigueur protestante qu’on peut imaginer, mais ce professeur est abject. Ses connaissances sont multiples (hypnose, médecine, paranormal), elles permettront de vaincre Dracula, mais on a envie de le frapper dès qu’il ouvre la bouche (ou plutôt dès qu’il écrit).
Jonathan Harker est le parfait amoureux, sans caractère. Heureusement, il y a Mina. C’est une femme indépendante, qui n’hésite pas à dire ce qu’elle pense. Si les moyens financiers et les actions sont menées par les hommes, elle ne reste pas en retrait.
Quant à l’antagoniste, Dracula, on ne le voit pas beaucoup. Il est décrit ainsi : « … Un vieillard de haute taille, rasé de près, hormis sa longue moustache blanche, et vêtu de noir de la tête aux pieds… » Oui, Dracula a une moustache. Dans les autres aventures le mettant en scène, elle disparaît… Peut-être que cet effet de pilosité était passé de mode. On peut se demander pourquoi le comte choisit Carfax. Nulle part, ses raisons sont décrites. Seul le docteur Van Helsing suppose des choses. Tour à tour, séducteur, hôte chaleureux, ennemi implacable, c’est un personnage imprévisible et si les protagonistes le présentent comme un monstre, le lecteur pourra se poser la question : L’est-il vraiment ? En effet, si il se nourrit de sang, si cette façon de se nourrir est une métaphore sexuelle, ce n’est pas lui qui attaque, ce sont les humains.

Dracula reste un classique de la littérature. Il y a des failles, des longueurs, mais le fond et la forme sont présentes. C’est presque un livre de combat : celui du progrès contre les croyances. Il est difficile de lâcher le livre, de ne pas trembler pour Mina, de ne pas détester Van Helsing.

DRACULA
AUTEUR : BRAM STOKER
EDITIONS : J’AI LU

Pour ceux qui voudraient développer la thématique de Dracula, je recommande Les nombreuses vies de Dracula aux éditions Les Moutons Electriques.

COCHRANE VS CTHULHU

En avril 1815, à Fort Boyard, alors que tout semblait calme, d’étranges créatures attaquent le fort et la garnison. La météo se met de la partie avec un temps humide, palpable. Pour le Capitaine Eonet, commandant de la garnison, un choix doit se faire. N’ayant plus de contacts avec les autres forts, doit-il libérer et coopérer avec Lord Cochrane et ses hommes, l’un des ennemis de Napoléon ?

Quand la quatrième de couverture clame Fort Boyard et Cthulhu, notre imaginaire ne peut qu’être ébranlé ! C’est vraiment une sympathique surprise que ce livre, écrit par un chilien, Gilberto Villaroel, qui est d’abord scénariste et producteur de cinéma! Pour mieux connaître ce projet casse-cou, nous invitons les lecteurs à se rendre à la fin de l’ouvrage pour en savoir plus sur Thomas Cochrane, l’écriture et comment un chilien écrit sur Fort Boyard. Ça peut se lire avant ou après le roman puisque ce qui est écrit n’a que peu d’incidences sur le reste.
Entre uchronie et fantastique, Gilberto Villarroel nous balade dans son univers et  on peut littéralement imaginer la vie de la soldatesque ou les batailles contre les hordes de Cthulhu. Ce qui prédomine dans ce livre, c’est la survie. Doit-on suivre les ordres à la lettre ou coopérer avec l’ennemi et peut-être survivre ? Quand l’auteur nous décrit les créatures qui s’abattent sur Ford Boyard, on ne peut se dire qu’il n’y a qu’une solution : La folie.
Les scènes de dialogues autant que les batailles sont magnifiquement écrites, les détails historiques sont présents et si l’uchronie est là, elle ne gêne en aucun cas la narration. Comme cet exercice a plus, l’auteur a décidé de continuer. Si le succès est au rendez-vous, on espère que Les Forges de Vulcain continueront la série des Cochrane.

Les Forges de Vulcain est un éditeur à part. Il recherche des histoires, une écriture, un propos. Il en résulte un catalogue hétérogène sur les genres, mais qui n’est pas dénué d’intérêt. Nous vous encourageons à y jeter un oeil, voire à acheter un livre. Vous ne serez pas déçu.

Si vous aimez Cthulhu, Napoléon ou les personnages mystérieux, vous ne serez pas déçus. 

COCHRANE VS CTHULHU
AUTEUR : GILBERTO VILLARROEL
COLLECTION : FICTION
EDITIONS : AUX FORGES DE VULCAIN

DISPARITION D’ANDRE CHERET

C’est le 5 mars 2020 qu’André Chéret, célèbre dessinateur de Rahan nous quittait. C’est une partie de notre enfance qui part avec lui. Il est allé rejoindre son épouse Chantal, disparue en 2017.

Beaucoup ont découvert Rahan à travers le magazine Pif Gadget. Les aventures de « cheveux de feu » ont continué aux éditions Soleil. Ancien libraire, je me rappelle que des lecteurs achetaient le coffret ou complétaient leur collection à chaque Noël. La renommée de Rahan est immense ! Le groupe les Wampas a nommé leur groupe en hommage au personnage d’André Chéret et Roger Lecureux. La tribu des hommes-wampas s’habillent de capes rappelant les chauves-souris. Christophe Gans avait mis en route un projet d’adaptation de Rahan (avec Marc Dacascos ?), mais celui-ci ne verra jamais le jour. Il existe aussi une adaptation en dessin animé.
Si je fus un lecteur du fils des âges farouches, je n’ai connu qu’André Chéret tardivement. En 1997, alors que le festival de la bande dessinée de Brest célèbre sa troisième édition, le comité d’organisation (le club sportif et loisirs de la marine) prend pour thème : La mer. C’est André Chéret qui dessinera l’affiche. Je reste encore stupéfait du nombre de lecteurs qui faisaient la queue pour avoir une dédicace. A chaque personne, André avait un mot gentil.
Mais André Chéret ce n’est pas que Rahan. En 1973, il crée avec Greg, Domino. Un justicier du XVIIIeme siècle maladroit. Paru dans Tintin, il y aura 5 albums où le dynamisme du dessin n’empêche pas l’humour du scénario. Ly-Noock, créée avec Michel Rodrigue, est une aventure fantastique au temps de l’Âge de Bronze. L’auteur a aussi dessiné quelques récits complets comme une biographie de Yannick Noah, scénarisée par Claude Gendrot, parue dans Le Journal de Mickey en 1984.

Je ne pouvais finir cet hommage bibliographique par une anecdote. Enfant, je suis lecteur de Pif-Gadget. Une publicité annonce la parution d’un album de Rahan et le prix est de 20 francs (3€). Mes parents trouvent çà trop cher. Dans ma tirelire, j’ai quatre pièces de 5 francs, mais en argent. Je prends les pièces, je vais chez la marchande de journaux et je reviens tout heureux chez moi. Quand Papa rentre, il voit la bande dessinée et il s’étonne. Tout heureux de ma décision, je lui avoue. Papa est vite sorti, il a échangé les pièces avec la vendeuse (qui n’avait pas compris la valeur) et il est revenu m’expliquer la valeur des pièces. Pour info, les pièces de 5 francs en argent (0,80 cent de nos jours) valent entre entre 5€ et 5000€.

LES SPECTACULAIRES T4 : LES SPECTACULAIRES DEPASSENT LES BORNES

Printemps 1911, la course automobile Paris-Berlin est l’événement de ce début d’année. Parmi les concurrents, les membres des Spectaculaires… Ils ne sont pas venus par hasard. Le bondissant, sautillant et capricant Arsène Lapin (dixit la présentation) fait chanter la République française . Si les Spectaculaires ne participent pas et ne gagnent pas la course, des secrets d’états seront révélés. Pour Pétronille, Félix, Eustache et Evariste, assistés du professeur Pipolet, c’est l’heure de mettre le pied au plancher !

Après un troisième tome qui mettait Paris sous les eaux sans noyer l’intrigue ni le dessinateur, on attendant notre duo d’auteurs de pied ferme. De prime abord, on pourrait être déçu. L’intrigue d’une course automobile n’est pas le meilleur des récits. Ce serait pourtant dommage de passer à côté de ce titre qui livre bien des secrets.
L’adversaire de ce récit est Arsène Lapin. On le présente comme un gentleman-cambrioleur. Il est évidemment question d’Arsène Lupin, personnage créé par Raymond Leblanc. Si on devine presque tout de suite qui est Arsène lapin dans la course, on peut applaudir sur plusieurs points. Mettre la tête de Georges Descrières au gentleman-cambrioleur est un hommage au feuilleton des années 70 où le comédien l’interprétait. Le personnage, façonné par Arnaud Poitevin et Régis Hautière, ressemble bien au personnage de Maurice Leblanc. Quant au dernier point, il s’agit de la temporalité. La course se déroule au printemps 1911. A cette époque, Arsène Lupin ne fait plus parler de lui, ou plus sous ce nom. Il faudra attendre 1912 pour que le gentleman-cambrioleur refasse surface. En prenant ces faits en compte, on pourrait mettre le quatrième tome des Spectaculaires, dans le canon des récits de Maurice Leblanc.

Arnaud Poitevin montre tout son talent pour restituer cette époque. Côté architectural, on notera la verrière du grand-palais, la grand-place de Bruxelles, la place du dam à Amsterdam. L’habillement est respecté et c’est presque la même chose pour les engins mécaniques. Nous insistons sur le presque car les automobiles présentes dans ce concours valent les concurrents de la série animée les fous du volant. Les voitures ressemblent aux concurrents et on ne s’étonnera pas de voir au détour d’une page une démone grand-sport double zéro (une des voitures de la série animée). Là, où Arnaud Poitevin donne la mesure, c’est sur les personnages. Le lecteur pourra s’amuser à compter toutes les célébrités (réelles ou imaginaires) présentes dans cet album. Les hommages ne manquent pas. La temporalité n’est pas respectée (Gaston Lagaffe ou Spirou ne sont pas de cette époque), mais ce jeu permet au lecteur de regarder plus posément les images.

Régis Hautière donne le tempo de cette aventure haute en couleurs. Si on parle d’une course automobile, on aborde avec humour d’autres thèmes. En premier lieu, il y a l’histoire. En décembre 1910, Arnaud Faillières était bien président de la République, Aristide Briand président du conseil et ministre de l’intérieur et le salon de l’automobile s’est déroulé au grand-palais. Certes, la course Paris-Berlin s’est déroulée en 1901, mais ce n’est pas un récit historique…. Quant à la course en elle-même, vu les équipages farfelus, elle fait penser à la série d’animation Les fous du volant, adaptation animée du film de Black Edwards La folle course autour du monde. Aplusieurs reprises, on montre que Pétronille et un autre personnage féminin veulent faire évoluer le rôle des femmes. Pendant cette période de la belle-époque, l’évolution est timide, mais réelle. Régis Hautière appuie sur un point autre d’actualité : l’écologie. Il suffit de lire les encadrés pour s’en rendre compte. L’auteur réussit à trouver le ton juste pour nous amuser et nous faire apprendre en même temps. Que ce serait une bande dessinée sans les textes ? Ici, les amoureux de l’argot se délecteront des dialogues d’Evariste. Quant aux amoureux d’Arsène Lapin, ils noteront tout le champ lexical autour du lapin. Un vrai civet !

Le quatrième tome des Spectaculaires ne déroge pas à la règle. Encore une fois, les auteurs nous surprennent, nous font rire et on en redemande.

Les détails sur Arsène Lupin/Lapin se trouvent dans Les nombreuses vies d’Arsène Lupin aux éditions les Moutons Electriques, par André-François Ruaud.

LES SPECTACULAIRES DEPASSENT LES BORNES
SCENARISTE : REGIS HAUTIERE
DESSINATEUR : ARNAUD POITENVIN
COLORISTE : CHRISTOPHE BOUCHARD

HORRIFIKLAND

Mickey, Donald et Dingo dirigent une agence de détectives privés. Leur dernière cliente leur demande de ramener son chat. Ce dernier traîne souvent dans le vieux parc d’attraction : Horrifikland. Alors que Mickey s’empresse de s’équiper, Donald hésite. Selon lui, il y a plein de moustiques et des fantômes se baladent dans le parc. Les trois détectives entrent dans le parc sans avoir idées des surprises qui les attendent !

Pour ce 8e titre de la collection Disney, les éditions Glénat s’attachent les services de Lewis Trondheim et Alexis Nesme, respectivement aux postes de scénariste et dessinateur. C’est la troisième fois que Lewis Trondheim se retrouve sur la collection, après les tomes Mickey’s Craziest Adventures et Donald’s Happiest aventures. Tous les deux dessinés par Keramidas.
Si l’histoire est simple (Nos héros doivent retrouver un chat dans un ancien parc d’attraction), Lewis Trondheim écrit une intrigue faites de surprises où l’enquête devient une folle équipée. L’auteur n’oublie pas toutes les possibilités que peuvent renfermer un ancien parc d’attraction : automates en tous genres, trappes, effets spéciaux… C’est un festival d’idées drôles et effrayantes à la fois. Oui, on peut être dans un esprit Walt Disney tout en « effrayant » le lecteur. N’oublions pas la projection du court-métrage La Danse Macabre en 1929. Les personnages ne sont pas oubliés. Si Mickey reste un personnage courageux et malin, Dingo reste un étourdi naïf et Donald un faux courageux. On aura la surprise d’apercevoir un vieil ennemi de notre souris et non… Malgré le thème fantomatique, ce n’est pas le Fantôme Noir.
Découvert avec la série Les enfants du Capitaine Grant, Alexis Nesme propose un univers rétro : maisons de guingois, cimetières gothiques, architectures délirantes… Mickey n’est pas en reste puisqu’il est habillé uniquement de sa célèbre culotte rouge. Les trouvailles graphiques sont magnifiques et pourtant simples : des ombres, des éclairages inquiétants, des décors qui rappellent les films de la Hammer. Le dessin est magnifique, vivant, mais Alexis Nesme a une particularité : la couleur. Qu’il soit question de la lumière des maisons, de celle des costumes ou de la nuit, l’auteur n’a pas son pareil pour nous plonger dans l’ambiance.


Sous-titrée Une terrifiante aventure de Mickey Mouse, Horrifikland joue avec nos peurs enfantines : fantômes, clowns, vampires, insectes, ambiance macabre… Tout est là pour nous faire réagir. On ne se lasse pas de cette histoire qui oscille entre rires et frissons.

HORRIFIKLAND, UNE TERRIFIANTE AVENTURE DE MICKEY MOUSE
SCENARISTE : LEWIS TRONDHEIM
DESSINATEUR : ALEXIS NESME
COLLECTION : DISNEY
EDITIONS : GLENAT

L’HOMME QUI VOULUT ÊTRE ROI-LES CARNETS RETROUVES

Daniel Dravot et Peachey Carnehan se sont mis en tête de quitter l’Inde. Les deux aventuriers veulent devenir rois du Kafiristan. Un illustrateur, Armel Gaulme, accompagne le fabuleux périple. Ces croquis apportent une nouvelle dimension au récit.

La nouvelle de Rudyard Kipling est connue, mais moins que son adaptation cinématographique. Filmée par John Huston, interprétées par Sean Connery (Daniel Dravot), Michael Caine (Peachey Carnehan) et Christopher Plummer (Rudyard Kipling), cette fresque est tout simplement magistrale. Le livre des éditions Caurette nous en apporte une autre facette.
Le récit est scindé en deux parties. La première comme une mise en bouche présente les personnages que sont les aventuriers et leur projet. Le deuxième est un témoignage de Peachey Carnehan. Un témoignage singulier puisqu’il est raconté sous forme narrative et Peachey, devenu fou, le fait soit à la première, soit à la troisième personne. Un style qui pourrait perdre le lecteur, mais en fait, il n’en est rien. Rudyard Kipling nous montre tout à la fois l’exotisme de l’Inde, son climat, mais aussi sa lourdeur administrative (alors colonie britannique), sans oublier le racisme du narrateur envers les indigènes. A l’opposé, on suit Daniel Dravot qui devient peu à peu fou de son propre pouvoir. En un cours texte, nous avons les deux faces d’un gouvernement. Celui, déjà établi par un empire Britannique, l’autre, en devenir, qui est entre les mains de deux aventuriers, deux escrocs, qui le savent eux-mêmes. Le ton, le style font penser à un documentaire. Lorsqu’on lit la nouvelle, on voit le Kafiristan, on sent la poisseur de l’Inde et on suit avec avidité l’élévation puis la chute de Daniel et Peachey. N’oublions pas toute la part maçonnique qui est présente dans le livre. Rudyard Kipling faisait partie d’une loge et sa nouvelle montre plusieurs éléments maçonnique : le rouge de la barbe de Daniel Dravot, le tablier, le fait de parler des francs-maçons aussi.
La présente édition ajoute une part de réel, dans cette oeuvre (fictive?). Armel Gaulme a retrouvé dans son grenier le carnet d’un aïeul qui se prénommait comme lui. Le carnet suit les aventures de Daniel Dravot et Peachey Carnehan, mais il ajoute Rudyard Kipling comme témoin ! Le narrateur de la nouvelle serait donc l’auteur lui-même. Un Daguerréotype en quatrième de couverture tend à prouver la véracité des illustrations. L’homme qui voulut être roi serait donc un témoignage ?
Les dessins ne sont pas que des croquis tracés à la va-vite ! Ce sont des crayonnés détaillés; quand je dis détaillé, c’est que chaque paysage, chaque personnage ou objet est minutieusement retranscrit, voire découpé. Comment ça fonctionne, comment les personnages s’habillent, quel est l’intérieur… Armel Gaulme donne une vision du témoignage de Peachey Carnehan qui permet de toucher cet univers qui n’est plus. Ça ne pourrait être que du crayon, mais c’est bien plus avec les jeux de lumières, la précision du trait et en même temps, ce remplissage qui serait presque brouillon.
Pour ajouter au côté réel/irréel, nous avons les témoignages de Jean-Christophe Caurette, Armel Gaulme ainsi que celui d’Erik Lhomme. Ce dernier avait été au Kafiristan, il y a quelques années pour un « chasse » au Yéti !
La police utilisée est très agréable. Renseignement pris auprès du graphiste (Philippe Poirier ndlr), c’est celle de Mrs Eaves. L’ensemble est agréablement espacé et permet de « souffler » entre les mots. A l’opposé, l’écriture manuscrite d’Armel Gaulme est resserrée, minuscule, difficilement lisible. C’est la seule chose à reprocher sur cette édition. Les illustrations, quoique magnifiques sont imprimées sur fond perdu. En étant agrandies, elles auraient gagnées en lisibilité. C’est un infime détail sur une édition de qualité.

L’Homme qui voulut être roi-les carnets retrouvés permet de toucher au plus près l’Inde du XIXe siècle ainsi que le Kafiristan. Le texte de Kipling, associé aux illustrations de Gaulme ainsi que les textes explicatifs, permettent aux lecteurs de se questionner : est-ce vrai ?

L’HOMME QUI VOULUT ÊTRE ROI-LES CARNETS RETROUVES
AUTEUR : RUDYARD KIPLING
ILLUSTRATIONS : ARMEL GAULME
EDITIONS : CAURETTE

SUPER MICKEY

Dingo a toujours eu un fond gentil, mais il est plus connu pour ses maladresses. Une nuit, pendant qu’il se rêve en super-héros, une météorite s’écrase dans son jardin. Au matin, des cacahuètes ont poussé. Quand Dingo en ingère une, il devient Super-Dingo. Si ses pouvoirs lui permettent de faire le bien, sa maladresse est toujours présente. Heureusement, Mickey veille…
Quand on annonce que Pieter de Poortere, l’auteur de la série Dickie fera un album de la collection Disney autour de Super-Dingo, le lecteur peut être surpris. L’auteur a l’habitude de raconter des gags bêtes et méchants, alors que le personnage de Dingo est plutôt bête, mais gentil. Autant vous dire que l’album est une jolie surprise !
L’auteur ne déroge pas à ses règles : l’album est muet et les pages sont découpées en autant de cases (le gaufrier ndlr). Pour le lecteur adulte, cette relecture de Super-Dingo est une madeleine de Proust dans l’univers Disney. On aura plaisir à croiser Mickey, Minnie, Horace, Clarabelle, ainsi que les adversaires : Pat Hibulaire, Lafouine, les Rapetout. Les références sont nombreuses, qu’elles soient issues de films (King-Kong, Superman) ou du patrimoine Disney. Si, à l’opposé du grinçant Dickie, Super Mickey est jovial, l’auteur ne peut s’empêcher de se moquer de l’univers du super-héros. Le personnage de Dingo, très humain, est parfait pour être un super-héros très ordinaire. Quand les Fantomiald, Batman ou Spiderman combattent pour la paix dans leur ville, le monde ou l’univers… Super-Dingo fait la vaisselle, achète les courses etc. N’oublions pas qu’une partie de l’histoire le montre malade. Dans ce cas, il est victime et criminel à la fois, car un super-héros devient super-malade… On ne vous en dira pas plus.
Dans cette débauche de cases, les détails ne manquent pas et le gag visuel fonctionne complètement. On apprécie le fait de tout comprendre, alors que l’album ne comprend que quelques onomatopées. Une bonne idée qui permet de mettre le livre dans les mains de n’importe quel lecteur et ce, quelque soit son âge ! En bonus, quelques jeux nous rappellent ces moments à jouer dans le journal de Mickey ou de celui de Picsou.
Malgré ces bonnes idées, il y a quand même une chose que nous trouvons dommage. Si les histoires tournent autour du personnage de Dingo et de son alter-ego super-héroïque, pourquoi avoir comme titre Super-Mickey ?

La collection Disney s’enrichit d’un nouveau titre après le très apprécié Horrifikland. Surprise, c’est l’auteur de l’incisif Dickie, Pieter de Poortere. C’est drôle, joliment imagé et les lecteurs, petits ou grands ne pourront qu’être ravis à la re-lecture super-héroïque de l’univers Disney

SUPER MICKEY
AUTEUR : PIETER DE POORTERE
COLLECTION : DISNEY
EDITIONS : GLENAT

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NEW TEEN TITANS T1

Robin, le jeune prodige, fait un cauchemar récurrent. Il combat aux côté d’autres super-héros. Il en connait certains, mais d’autres lui sont inconnus. Ce n’est pas un cauchemar, mais un rêve prémonitoire envoyé par l’un des inconnus : Raven. La Terre va devoir affronter une menace d’une autre dimension : son père, Trigon !

Dans les années 80, si le titre X-Men est en tête des ventes, un nouveau titre le talonne : New Teen Titans (les Jeunes T. en français). La cause tient en trois points : Une bonne écriture, un dessin soigné et un éditeur qui prend le temps de faire connaître le titre. Quand il écrit les aventures de ses personnages, Marv Wolfman s’identifie à eux, il veut les rendre réels. Si nos jeunes super-héros ont des capacités hors-normes, ils ont aussi des problèmes plus commun. Kid Flash se demande s’il doit être étudiant ou super-héros, Starfire, ancienne esclave, est exilée sur Terre, Cyborg ne supporte pas son corps robotisé. Des problèmes ordinaires qui permettent aux lecteurs de ressentir des émotions face à des créations de papier. Pour contrebalancer ses attentes (trop?) humaines, le scénariste va plonger ses jeunes héros dans des aventures palpitantes. La Terre est menacée par un démon inter-dimensionnel, qui est aussi le père d’un des membres, rien que çà… Les titans, parents des dieux grecs vont se réveiller, des êtres surpuissants vont s’accaparer le quartier général des super-héros… On découvre aussi des personnages complexes, comme Deathstroke, un mercenaire qui accepte de prendre le contrat de son fils, après que celui-ci fut tué. Au fil des 400 pages, on découvre que les motivations des personnages ne sont pas si simples. Si les combats sont présents, l’humour l’est aussi à travers les dialogues. La dénomination de titan n’est pas anodine. Ces jeunes super-héros ne veulent plus être les acolytes de leurs aînés. Ils ont des capacités, du caractère et s’avère autonomes. La série est une rébellion contre le monde des adultes !
Si on est un lecteur de comics, le nom de George Perez n’est pas inconnu : Wonder Woman, Futur Imparfait ou Crisis on Infinite Earths font parties de ces séries indémodables. C’est avec les New Teen Titans qu’il devint connu. Son approche graphique est des plus réalistes, il met en valeur ses personnages et il a du talent pour le cadrage de ses planches. C’est du grand art !

Il y a 13 ans, les éditions Panini reprenaient en deux volumes (un par année) les archives DC consacrées aux titans. Urban Comics a retravaillé le matériel : compilation des volumes, changement de papier, etc. Seule question : pourquoi avoir changé la traduction ? Celle de Jean-Marc Lainé semblait convenir. La nouvelle, d’Edmond Tourriol, semble couler de source aussi. Nous n’avons pas les données nécessaires pour affirmer si l’une ou l’autre est la meilleure. Elles sont toutes les deux différentes !

Un scénario qui fonctionne toujours, quarante ans après, un dessin magnifiquement expressif et une réédition de choix. Autant de bonnes raisons de prendre cette intégrale des New Teens Titans ! Pour ceux qui ont peur de manquer de lecture, le deuxième tome arrive en décembre !

NEW TEEN TITANS : T1
AUTEUR : MARV WOLFMAN
DESSINATEUR : GEORGE PEREZ
COLLECTION : DC ESSENTIELS
EDITIONS : URBAN COMICS

LE PHARE AU CORBEAU

Agathe et Isaïah sont un duo d’exorcistes. Elle voit les fantômes et lui les conjure. Leur prochaine enquête les emmène en Bretagne. Apparemment, une affaire vite réglée, mais dès le début rien ne se passe comme prévu. Une malédiction semble peser sur le phare et le domaine de Ker ar Bran, l’hostilité des locaux n’aide pas. Quant à Agathe, elle est chamboulée par cette affaire…

Le Phare au corbeau pourrait être une simple histoire de maison hantée. Le talent de conteuse de Rozenn Illiano suffirait à nous transporter. L’autrice ne se contente pas de raconter une histoire, elle mélange plusieurs genres littéraires pour nous immerger dans son univers. Au récit de maison hantée, on ajoute une intrigue à tiroir, du whodunit, mais aussi du roman d’apprentissage. Ça pourrait être un désordre complet, mais l’autrice réussit à tout mélanger sans qu’apparaisse aucune scorie. La lecture, bien que dense, est très accessible, grâce à plan scénaristique qui rappelle les meilleurs films ou séries. Quand on pense que le livre a été écrit en un mois !
Si l’intrigue principale est racontée par la voix d’Agathe, deux autres récits s’entrecroisent. On apprendra qu’en 1839, un naufrage affecte les habitants de Landrez. Près d’un siècle plus tard, Théophile de Saint-Amand achète la propriété de Ker ar Bran, pour y couler une douce retraite. Ce n’est pas donc une mais trois histoires qui construisent l’univers du phare au corbeau. Trois époques différentes avec ses us et coutumes, ses personnages, etc. Si le duo d’Agathe et Isaïah sont les deux faces d’une même pièce (elle a des pouvoirs, il n’en a pas. Il est sûr de lui, elle est peu sûre d’elle, etc.) si ils sont bien dessinés, les autres personnages ne sont pas en reste. L’autrice a un talent pour faire vivre en quelques mots ses caractères. Certains vont croire aux légendes du domaine, d’autres non, mais chacun, à sa manière, va devenir un suspect potentiel.
Si l’ambiance se veut fantastique, si la chair de poule n’est jamais loin d’être atteinte, le but de l’autrice n’est pas de nous faire peur. Tel un conte raconté au feu de cheminée, l’histoire dégage des leçons, des questions que le lecteur se posera. Dans son roman, Rozenn Illiano montre que le fait d’être différent suppose l’acceptation de l’autre, mais aussi de soi-même. A travers ce récit, on se rend compte que ce sont ceux qui prônent l’acceptation de la différence, qui la refusent, alors que d’autres s’en servent. Trouver des personnes qui vous acceptent comme vous êtes n’est pas une chose aisée. Elle dénonce aussi la condition féminine au XIXème siècle, les esprits fermés.

Le Phare au corbeau est un magnifique conte philosophique où plane l’ombre des légendes bretonnes. Chaque lecteur, qu’il soit amoureux de la Bretagne, du récit policier ou de l’ambiance fantastique pourra y trouver son compte. Rozenn Illiano est une autrice à suivre. On remercie les éditions Critic de nous l’avoir fait découvrir.

LE PHARE AU CORBEAU
AUTRICE : ROZENN ILLIANO
COLLECTION : FANTASY
EDITIONS : CRITIC

BRAVO POUR L’AVENTURE

Jesse Bravo n’a pas son pareil pour aller se fourrer dans des aventures rocambolesques. Alors qu’il est engagé comme cascadeur aérien, la fille du réalisateur le prend en grippe et un chef ce la mafia tente de le recruter. Mais rien n’arrête le brave pilote. Avec lui, on vit de folles aventures !

Cet ouvrage comprend l’intégralité des aventures de Jesse Bravo. Il y a ses origines, l’aventure décrite plus haut, un récit aussi inattendu que bizarre et une quinzaine de pages de bonus (croquis, essais de couleurs). On aborde le livre avec les origines du héros. Bien que publiées après, elles permettent une mise en bouche. Jesse Bravo, ce sont les années 30, les aventures des pilotes d’avions, la romance, la bagarre, la camaraderie… C’est ce type d’aventure qu’Alex Toth voulait retrouver. A la fois la nostalgie d’un Âge d’Or des héros, mais aussi un hommage aux maîtres qui l’ont fait rêver. Il faut reconnaître que 40 ans plus tard, ça fonctionne encore ! On croit à ce héros, sosie d’Errol Flynn, on craint pour lui autant que pour les autres personnages. Aussi clichés qu’ils soient (Alex Toth les voulaient ainsi), les personnages restent crédibles. Les situations s’enchaînent sans temps mort, on suit l’histoire avec attention. C’est une véritable madeleine de Proust (façon serial-aviateur) !
La deuxième aventure ferait presque penser à du Moebius ou du Jodorowsky. Jesse Bravo, assommé par une hélice, se réveille dans un univers fantasmagorique. Alex Toth mélange Les aventures d’Alice au pays des merveilles, les possibilités de narration de la bande dessinée, sans oublier les références aux maîtres qu’il admire (Caniff, Pratt, Eisner). 15 pages de délire graphiques, mais qui montrent toutes les palettes de l’auteur. Du grand art ! Comment vous parler du dessin d’Alex Toth ? Dans cet ouvrage, ses traits utilisent aussi bien le réalisme que le gros-nez, il utilise toutes les possibilités du noir et blanc selon les besoins de l’histoire. On reste béat devant tant de maîtrise et chaque case est une pépite.
Les dernières pages sont une mine d’information. Croquis de récits jamais édités, mises en couleurs de planches, de couvertures. Ça serait déjà de bons bonus, mais les annotations de l’éditeur permettent de savoir quand et pourquoi ces dessins ont été utilisés. Malheureusement, les annotations sont imprimées sur fond sombre et donc, peu lisible.

Bravo pour l’aventure est une réédition, mais le travail effectué est d’une telle qualité qu’on pourrait écrire nouvelle édition. Les planches sont nettoyées, la traduction a été revue, le format, plus grand que la moyenne, permet de mettre en valeur les dessins de l’auteur. Une préface écrite par Dean Mullaney (un des experts de l’oeuvre d’Alex Toth) raconte la création de ce personnage dans le marasme éditorial aussi bien français qu’américain. Une préface très importante qui permet de s’immerger dans l’univers de Jesse Bravo. Quand on demande au directeur éditorial Pol, de chez Paquet pourquoi l’avoir édité, voici sa réponse : « Alex Toth est un des maîtres du noir et blanc, il méritait un livre à sa mesure, pour cette édition totalement inédite de toutes les pages et aventures de Jesse Bravo en français. Une édition couleur, suivant les instructions laissées par Alex Toth avant sa mort, a également été réalisée, et incluse dans notre collection Cockpit, car Jesse Bravo est un aventurier, mais avant tout un aviateur ! Quant au format 37 x 28 cm – c’est un format que nous réservons aux ouvrages d’exception du catalogue (Romain Hugault, Michel Koeniguer, Gung Ho, …) ».

Ce livre est doublement un ouvrage d’exception. Le premier c’est évidemment tout l’art graphique et de narration d’Alex Toth, ensuite, c’est le travail autour de sa publication. On ne se lasse pas de regarder les pages, de lire les aventures et de s’imaginer mettre les gaz, tirer le manche pour rejoindre les aventures de Jesse Bravo !

BRAVO POUR L’AVENTURE
AUTEUR : ALEX TOTH
COLLECTION : COCKPIT
EDITIONS : PAQUET