DRACULA

Jonathan Harker se rend dans les Carpates. Il doit rencontrer son client, le comte Dracula. Il laisse à Londres sa fiancée, Mina Murray. Si les premiers échanges avec Dracula montre un hôte prévenant, Jonathan se rend compte qu’il est prisonnier du château. Même ses divers stratagèmes pour envoyer du courrier seront voués à néant. Pendant ce temps, le comte Dracula prépare son voyage en Angleterre.

Ecrit en 1897 par Bram Stoker, Dracula est un immense succès. On ne compte plus les adaptations par les médias; qu’elles soient bonnes (Francis Coppola) ou différentes (Zoltan, le chien sanglant de Dracula).
Tout le roman est écrit de façon épistolaire. Journal intime, courrier, sténographie, rouleau de cire (pour le phonographe)… Le style est particulier. Chaque protagoniste à sa propre voix, son propre style. Le docteur Van Helsing a un style bref, direct. Celui du docteur Seward, enregistré principalement sur phonographe, va tout expliquer, etc. Ce style permet une note d’authenticité. Il date les événements. L’intrigue de Dracula se situe en le 3 mai et le 6 novembre de la même année (apparemment 1885).
L’autre point qu’on peut noter, c’est l’époque. En cette fin du XIXème siècle, nous sommes en pleine révolution industrielle. Electricité et machines à vapeur sont d’actualités. L’auteur oppose alors le progrès technique (phare électrique, phonographe, winchester, télégraphe, trains) et médicale (transfusion de sang, hypnose) aux superstitions, aux croyances ( religions, signes sacrés, contes). C’est le combat de la puissance anglaise contre la vieille Europe.
Quant aux personnages, on peut se demander si Bram Stoker a écrit des stéréotypes ou si il a volontairement écrit des clichés. Abraham Van Helsing est un personnage affreux (pour les lecteurs du XXIème siècle). Ses formules sont désuètes, mielleuses, patriarcales… Certes, c’est un hollandais avec toute la rigueur protestante qu’on peut imaginer, mais ce professeur est abject. Ses connaissances sont multiples (hypnose, médecine, paranormal), elles permettront de vaincre Dracula, mais on a envie de le frapper dès qu’il ouvre la bouche (ou plutôt dès qu’il écrit).
Jonathan Harker est le parfait amoureux, sans caractère. Heureusement, il y a Mina. C’est une femme indépendante, qui n’hésite pas à dire ce qu’elle pense. Si les moyens financiers et les actions sont menées par les hommes, elle ne reste pas en retrait.
Quant à l’antagoniste, Dracula, on ne le voit pas beaucoup. Il est décrit ainsi : « … Un vieillard de haute taille, rasé de près, hormis sa longue moustache blanche, et vêtu de noir de la tête aux pieds… » Oui, Dracula a une moustache. Dans les autres aventures le mettant en scène, elle disparaît… Peut-être que cet effet de pilosité était passé de mode. On peut se demander pourquoi le comte choisit Carfax. Nulle part, ses raisons sont décrites. Seul le docteur Van Helsing suppose des choses. Tour à tour, séducteur, hôte chaleureux, ennemi implacable, c’est un personnage imprévisible et si les protagonistes le présentent comme un monstre, le lecteur pourra se poser la question : L’est-il vraiment ? En effet, si il se nourrit de sang, si cette façon de se nourrir est une métaphore sexuelle, ce n’est pas lui qui attaque, ce sont les humains.

Dracula reste un classique de la littérature. Il y a des failles, des longueurs, mais le fond et la forme sont présentes. C’est presque un livre de combat : celui du progrès contre les croyances. Il est difficile de lâcher le livre, de ne pas trembler pour Mina, de ne pas détester Van Helsing.

DRACULA
AUTEUR : BRAM STOKER
EDITIONS : J’AI LU

Pour ceux qui voudraient développer la thématique de Dracula, je recommande Les nombreuses vies de Dracula aux éditions Les Moutons Electriques.

LE CERCLE ET LA FRATERNITÉ

le-cercle-et-la-fraternite-christophe-lunettoEn cette fin d’année 1886, un meurtre ignoble a été perpétué sur les bords de la Tamise. Appelé sur les lieux comme médecin légiste, Arthur Conan Doyle est accompagné de James Matthew Barrie et Bram Stoker. Les gentlemen veulent enquêter, mais ils dérangent. Ils vont être confrontés à quelque chose d’inimaginable…

Christophe Lunetto est peu connu. C’est normal, Le Cercle et La Fraternité est son premier roman. Lauréat du concours « Nos Lecteurs ont du talent », il a été plébiscité par les internautes. Son idée n’est pas si originale : rassembler trois célébrités pour une uchronie. Le fait que les héros soient des auteurs qui mènent l’enquête non plus. Ca devient intéressant à partir du moment où les héros ne sont pas que faire-valoir. Ils ont une profondeur, une complexité qui les rend humains. Si l’auteur s’attarde plus spécialement sur James Matthew Barrie, il n’oublie pas les autres protagonistes. Heureusement, l’auteur écarte les clichés et permet d’apprécier d’un oeil nouveau tous les personnages. Oui, même le meurtrier a de « bonnes » raisons d’agir.
L’enquête est habilement menée et les adversaires de nos héros sont coriaces. On appréciera particulièrement les tentations offertes pour rejoindre le « mal ». L’ambiance respire l’ère victorienne, mais point de steampunk ici, juste du fantastique et quelques pointes d’horreur.
On frissonnera dans Le Cercle et La Fraternité. Que ce soit pour nos héros ou pour les quelques moments répugnants entre meurtre, description détaillée et autopsie.
Dans ce genre de récit, l’auteur glisse des références. Si celles-ci semblent évidentes (il y a même un emprunt à Edgar Allan Poe), elles sont assez discrètes pour être appréciées. Une lecture qui n’est pas réservée aux connaisseurs. On peut apprécier l’histoire sans connaître les créations de James Matthew Barrie (Peter Pan), Arthur Conan Doyle (Sherlock Holmes) ou Bram Stoker (Dracula).

Pour un premier roman, l’exercice n’était pas facile, mais Christophe Lunetto arrive à mener le lecteur par le bout du nez. Les 200 pages sont avalées en quelques heures. La forme du récit permet d’imaginer d’autres suites à nos gentlemen-détectives (Christophe Lunetto rédige un deuxième roman. Je dis çà, je dis rien…). Un bel exemple d’uchronie « réaliste ».

LE CERCLE ET LA FRATERNITE
AUTEUR : CHRISTOPHE LUNETTO
EDITION NUMERIQUE
EDITIONS : CHEMIN VERT

SALON DU LIVRE : LA BIT-LIT, PLUS QU’UN GENRE, UN PHENOMENE

slp2012Second compte rendu des conférences du Salon du Livre de Paris. Aujourd’hui il est question de Bit-lit. Dans la salle, les spectateurs sont assez jeunes. Plusieurs sont habillés de noir. Les intervenants sont les suivants : Stéphane Marsan, Marjolaine Boutet, Jeanne Faivre d’Arcier. Le modérateur de cette conférence est Jean-Luc Rivera.

La bit-lit est un mot qui signifie la lecture mordante. Formée à partir de l’anglicisme bite (mordre) et lit, pour littérature. Son origine appairait avec la série télévisée Buffy contre les vampires (1997). Série à succès qui montre une protagoniste féminine tuant des vampires dans notre monde contemporain. Le cocktail s’apparente à de l’action, de l’érotisme, de l’amour. Ce fut l’émergence du genre jusqu’aux années 2000. L’autre racine vient de l’évolution de la figure vampirique, notamment avec Anne Rice. il est perçu comme un malade, un drogué. A contrario d’autres auteurs, le vampire est le personnage principal, c’est lui le narrateur. Avec ces changements, le lecteur a de l’empathie envers le vampire.

Même s’ils sont proches, la littérature vampirique et la bit-lit sont différents. Ce genre a été écrit en réaction au roman de Bram Stoker (Dracula), ainsi qu’en réaction aux romans Harlequin. Les auteurs sont généralement des femmes, qui montrent des protagonistes contemporaines actives, qui n’ont pas froid aux yeux. Le lecteur a une vision féministe du monde.

Dans la littérature vampirique, les protagonistes ont peur du sang, mais aussi de la sexualité féminine. Avec la bit-lit, on parle d’égalité sexuelle. Si la dimension érotique est présente, sa perception est différente selon les pays. Certains éditeurs refuseront d’en vendre, alors que d’autres achètent toutes les séries existantes, parce que selon la culture du pays acheteur, l’érotisme présent est plus ou moins bien vu.

Cette littérature a du succès parce qu’elle est conçue comme une série télé. On développe les univers proposés. Les protagonistes ont des forts caractères et le scénario renforce l’addiction du lecteur. Avec la bit-lit, le surnaturel est au coin de la rue. Ce surnaturel n’est plus perçu comme fantastique, mais comme du paranormal. C’est une métaphore surnaturelle de l’amour. On a envie d’être immortel. Les protagonistes bravent les interdits (sexuels, sociaux). La bit-lit veut ré-enchanter le monde.

Si les thèmes sont récurrents : mort, croyance, mysticisme, les auteurs jouent avec pour les rendre plus « ludiques ». c’est ainsi que le thème du vampire s’adapte, non plus pour faire frissonner le monde, mais pour l’enchanter. Les créatures surnaturelles sont présentes, mais vues différemment.

Une conférence pleine d’entrain, où modérateur comme intervenants savaient de quoi ils parlaient. Clairs dans leurs explications, ils permettaient à une partie de lectorat de découvrir la bit-lit.