RENCONTRE AVEC JEROME FELIX

La Lignée prend fin, Le Plan est paru et Une vie à écrire ne devrait pas tarder. Trois tomes et un seul homme à la barre. Voici l’interview de Jérôme Félix. Retour sur les séries et son travail de « scénariste de contes ».

Bonjour Jérôme. Tu as dit « Je cherche toujours un point de vue inédit dans mes histoires ».

Jérôme Félix : Bonjour. J’essaie d’avoir un point de vue qui n’est pas celui qu’on attend. Par exemple : dans la lignée, on parle de lutte syndicale. La logique voudrait que le héros en fasse partie. C’est un point de vue qui fonctionne mais auquel on s’attend. Quand j’entame le scénario, je raye le mot syndicaliste et je me dis : « Qui peut raconter cette histoire ? ». Ici, ce sera un prêtre ouvrier. Dans « L’Arche », on s’attend à ce que le héros soit quelqu’un qu’on respecte comme un policier et c’est un adolescent boutonneux qui raconte. Pour mon prochain livre, c’est une histoire d’amour contemporaine qui se passe dans un petit village de Normandie. Ce sont les personnages qui bloquent les volets qui racontent l’histoire.

Est-ce que c’est un défi que tu relèves à chaque fois ?

Jérôme Félix : Non, c’est par principe. Si l’histoire est raconté par un personnage inattendu, on sort des sentiers battus.

Tes thèmes sont souvent les mêmes : Arsène Lupin, Robin des Bois, les petites gens…

Jérôme Félix : Oui, oui. Certains peuvent penser que je me répète, j’en ai conscience. C’est vrai que je suis fasciné notamment par le personnage de Robin des Bois. Prendre aux riches et donner aux pauvres. En même temps je suis un scénariste de contes, je ne cherche pas forcement le côté réel. Pour Arsène Lupin, c’est presque pareil parce qu’il ne redonne pas aux pauvres, mais j’ai toujours pensé que les personnages voleurs, frondeurs, étaient des bons personnages de fiction. Je plaide coupable…

Avec La Lignée, on retrouve l’ésotérisme, le mystère, les petites gens. Cette série, C’est du pain béni pour toi.

Jérôme Félix : Non, ce n’était pas facile à faire. Elle a été écrite avec trois autres scénaristes : Olivier Berlion, Damien Marie et Laurent Galandon. Tous les trois sont des scénaristes réalistes. Moi qui ne le suis pas, j’ai eu un peu de mal à trouver le ton de mon histoire, à amener mon univers. L’important pour moi, c’est le rythme et l’émotion de l’histoire. Dans La Lignée, tous les aînés meurent à 33 ans, l’âge du Christ. On saura pourquoi dans le tome 3. Il y aura beaucoup de surprises, puisqu’on pouvait prendre soit l’option de la vraie malédiction, soit celle que nous avons prise et ésotérisme ou pas… Ce n’est pas certain. Dans le deuxième volume, les personnages qui sont confrontés à cette malédiction émettent l’hypothèse que ça ait un rapport avec Jésus. Le héros est conditionné pour devenir prêtre parce que pour sa mère, il a quelque chose à accomplir comme Jésus lui-même accomplissait quelque chose. Il ne sait pas quoi, sauf que ce sera dans sa 33ème année. Le message dans ce deuxième tome, c’est que Dieu envoie un message pour que la famille accomplisse quelque chose. Tant que ce n’est pas fait, les aînés meurent.

Un tome 2 placé sous l’année 1954, à Brest. Comme tu joues avec l’histoire, pourquoi ne pas avoir parlé de l’ouverture du pont de Recouvrance, de l’OVNI aperçu ou alors du Tour de France qui y est passé ?

Jérôme Félix : (rires) J’aurais pu parler de l’OVNI parce que j’en suis assez fan, mais mes collègues n’auraient pas acceptés. J’avoue, j’ai essayé de parler de l’OVNI, mais comme personne n’en a voulu j’ai dû reprendre un évènement moins intéressant qui est l’explosion de ce fameux bateau. Par contre, ceux qui ont mis le feu à ce navire, ce sont les extraterrestres.

Petite anecdote à propos des baraques. 1945, construction des premières baraques; 1978, démolition de la dernière baraque. Entre les deux il y a… 33 ans.

Jérôme Félix : Le nombre sacré de la série. Il est toujours présent.

Tu as travaillé dernièrement en collectif, est-ce que ça t’a aidé dans ton travail ? Peux-t-on espérer des sorties d’albums plus rapprochées ?

Jérôme Félix : C’était une expérience étonnante. J’étais quand même avec trois scénaristes qui étaient rapides, sachant prendre des décisions pour s’y tenir et avancer. Dans mon travail, j’ai besoin d’écrire des « possibles ». Si le personnage fait ça, j’avance comme ça, s’il fait ça, je fais ainsi, etc. Je me remets en cause, mais ça dure depuis 10 ans ! Mes méthodes de travail changent régulièrement, mais je retourne toujours aux mêmes travers. Même si je voudrais qu’il en soit autrement, je pense que je vais me résigner à faire mes deux albums par an, alors que j’aimerai faire plus. Cette difficulté d’écriture est compensée par beaucoup de travail.

Après La Lignée, virage de genre avec Le Plan (sorti en février 2013 ndlr) puis encore un virage avec une histoire d’amour (une vie à écrire sortira en mai 2013 ndlr).

Jérôme Félix : J’ai fait une histoire barrée avec Gunt. Il est question d’un joueur de poker et Dieu lui parle… Et Dieu n’aime pas perdre. On mixe avec ça un casse et une demoiselle. Si je répète les mêmes thèmes (Arsène Lupin, Robin des Bois) je ne répète jamais les univers. Quand je travaille avec des dessinateurs, ils ont leur mot à dire, puis j’essaye de travailler avec des auteurs qui demandent un univers que je connais. C’est une façon de faire. A chaque nouvelle collaboration, je recommence à zéro.

Tu l’as dit, tu ne travailles pas très vite. A quand la suite des séries ?

Jérome Félix : Si je ne travaille pas vite, mes dessinateurs sont encore plus lents (rires). Dans ce qui va arriver : la suite de L’Héritage du Diable, il en est à la page 31 du tome 3, moi je viens de terminer le scénario du tome 4. Le dessinateur a seulement 25 ans mais c’est à tomber ! Pour Hollywood Boulevard, Ingrid est devenue maman, mais comme il s’est passé beaucoup de temps entre le tome 1 et le tome 2, le livre sortira directement en intégrale.

Merci à Jérôme pour ses réponses et sa bonne humeur tout au long de cette interview.

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