RENCONTRE AVEC OLIVIER KERAVAL

Cette rencontre a été faite à quatre mains. Elle est le fruit d’un partenariat avec Balades Armoricaines. En fin de texte, retrouvez le lien vers l’article complet.

On connaît Olivier Keraval comme scénariste, mais il cache bien des talents : Découverte d’un créateur



Bonjour Olivier. Pourquoi nous as-tu donné rendez-vous place du Calvaire ?

Olivier : Bonjour Hervé. Historiquement, la place du Calvaire est une place centrale dans Rennes et il y a un lien fort avec mon travail, que ce soit le scénario de bande dessinée ou dernièrement l’histoire sonore consacrée à l’incendie de 1720. J’y ai passé une partie de ma jeunesse. J’étais en primaire juste à côté, à l’école Saint-Yves. Il y a une pharmacie sur cette place, que mon père a tenue pendant des années. C’est donc une place que je connais bien, que j’aime ; elle est très belle et ça transpire le centre historique. 

Pourrait-on résumer ta carrière avec le mot « histoire » ? Que ce soit l’histoire de France ou les histoires que tu aimes raconter ? 

Olivier : Oui, effectivement, je travaille beaucoup sur une matière historique. J’y trouve souvent une matière forte, parfois de proximité comme Rennes, où j’ai plusieurs de mes sujets, ou la Bretagne… Et j’y mélange une histoire intime. L’idée, c’est de toujours avoir une partie fictionnelle et une partie historique. Cette dernière étant très cadrée. J’essaie au maximum de respecter les grandes dates et de ne pas faire n’importe quoi avec l’histoire. Mais oui, ça peut résumer mon travail.

Comment cette passion t’est-elle venue ? 

Olivier : C’est une bonne question. J’ai fait une faculté d’histoire, mais pourquoi ? Je ne sais pas. J’ai toujours été un grand lecteur de récits historiques, d’aventures, même très jeune. Mes auteurs étaient Alexandre Dumas, Victor Hugo, etc. Les grands classiques français qui ont joué avec l’histoire. On a une histoire fabuleuse en France mais l’histoire mondiale est aussi intéressante ; il n’y a pas que la France. Je suis toujours plongé dans des livres d’histoire et des récits d’histoire, plus que des fictions. Ça a toujours été en moi ; j’ai toujours aimé ça.

Tes écrits sont plutôt des récits policiers, voire des récits de polar, avec un côté social. Pourquoi écrire dans ce domaine littéraire  précis ?

Olivier : J’ai commencé par le polar mais je m’en écarte de plus en plus. J’écris plutôt des récits historiques maintenant, plus que du polar pur. J’aime bien la mécanique du polar. C’est une mécanique fantastique pour intéresser le lecteur et l’inciter à avancer dans le récit. Cette notion sociale du polar est très intéressante. Je trouve que c’est une littérature très vivante. Ça parle du quotidien des gens, de grands sujets sociétaux qui ont une vraie pertinence et le polar a pleinement sa place dans la littérature. On le voit bien aujourd’hui ; il y a plein d’auteurs de polars qui fonctionnent très bien et chaque éditeur a sa collection.

Le polar te suit hors des sentiers de la littérature, avec la société PLAYAD GAMES. Peux-tu nous en dire plus ? 

Olivier : PLAYAD GAMES, c’est un peu une parenthèse. J’ai un ami (Arnaud Ladagnous ndlr), qui crée des jeux de société depuis des années. Un jour, il me présente New York Kings, un jeu de mafieux new-yorkais, qui est à base de polar, encore une fois. C’est un super jeu mais il ne trouve pas d’éditeur. A ce moment, je suis dans une aventure éditoriale et je lui propose d’en créer une. C’est parti de là ; ça a grandi. On a publié quelques jeux qui ont correctement tourné. Mais je ne viens pas du jeu ; je ne suis pas un grand joueur. Ce qui m’a intéressé, c’était l’opportunité et l’envie de mener une création éditoriale.

Tu as écrit un roman historique, Quokelunde, dont une partie est publiée sur le site communautaire Wattpad.

Olivier : Quokelunde, c’est une œuvre de jeunesse. Je l’ai écrite quand j’avais entre 25 et 27 ans. C’est une histoire qui n’a jamais été publiée et elle n’a été envoyée qu’à peu d’éditeurs. Je considère encore aujourd’hui qu’elle est à retravailler. C’est un récit historique qui se passe au Moyen-Age, sur fond de trafic de reliques de saint ou supposé tel. Les seigneurs, notamment bretons, qui partaient en croisade, rapportaient avec eux ce qui était censé être des reliques. C’est un bouquin qui reste inédit. Je l’ai relu dernièrement et j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de faiblesses

Tu es écrivain mais aussi scénariste. Comment se retrouve-t-on scénariste ? 

Olivier : Je m’y suis retrouvé par opportunité, tout simplement. En 2011, je venais de terminer un polar et Luc Monnerais m’a contacté. Il a aimé mon livre et m’a proposé d’écrire une intrigue sur Rennes en bande dessinée. C’était les prémices des éditions SIXTO. Je n’avais jamais touché au scénario. Je n’étais pas non plus un grand consommateur de bandes dessinées mais j’étais curieux d’essayer. Je m’y suis mis et ça a donné Danse Macabre et j’ai aimé. Je trouve que la bande dessinée est un super vecteur pour toucher un public très large, de 7 à 77 ans, et bien plus … Je continue. J’ai la maison d’éditions LOCUS SOLUS qui aime mon travail et j’ai des projets à venir avec eux

Es-tu devenu auteur de bande dessinée ? 

Olivier : Oui, parce que ça marche plutôt pas mal et que j’ai toujours des projets, des idées qui viennent, que je travaille. J’ai toujours deux, trois projets d’avance. Le prochain sera dans un format un peu différent car ce sera un roman graphique. Il y aura plus de texte ; on sera plus proche d’un carnet graphique. J’explore une nouvelle piste.

Es-tu devenu lecteur de bande dessinée ? 

Olivier : Oui, j’en lis régulièrement. C’est vrai qu’en France, il y a de très bonnes bandes dessinées qui sortent. Je lis plutôt des romans graphiques. Ce sont des choses assez lourdes, assez longues qui prennent le temps (de raconter l’histoire ndlr). Le 52 pages (format franco-belge) est assez frustrant et j’aime bien les choses denses. Maus est pour moi quelque chose d’exceptionnel, qui raconte merveilleusement bien la Shoah avec une vraie densité historique. Dernièrement, j’ai aimé Moi, ce que j’aime, c’est les monstres. Je suis très admiratif des gens qui font ça et j’aimerais bien le faire un jour. C’est souvent une question de temps, la création, mais je suis très attiré par ce format-là qui demande un travail fou.

Pourquoi travailler souvent avec Luc Monnerais ? 

Olivier : Luc et moi, on se suit mais je lui ai fait une infidélité : je suis parti travailler avec Leyho (Un amour de guerre, aux éditions LOCUS SOLUS ndlr). Luc était occupé et ça ne lui correspondait pas. J’aime bien son travail, noir et blanc avec beaucoup d’architectures, mais il faut aussi des projets qui lui correspondent. Le prochain projet se fera avec Luc. Ça parlera d’un personnage historique, né à Rennes, lui aussi, dont l’histoire est méconnue et pourtant extraordinaire. Je n’en dis pas plus, c’est un peu tôt. J’ai un autre projet derrière, qui se passera encore en Bretagne, mais plus du côté du Finistère. Celui-là se fera avec un autre dessinateur.

Pourquoi avoir choisi Leyho pour Un amour de guerre ? 

Olivier : Nous nous sommes rencontrés sur le Salon du Livre de Paris. LOCUS SOLUS venait de rééditer son premier album, Chien Bleu, Chien Gris. Je trouvais qu’il avait un vrai univers et un sacré coup de crayon. Je lui ai parlé du sujet d’Un amour de guerre. Ça lui a plu ; on a échangé et très rapidement, l’éditeur nous a validé le projet. J’aime bien quand les choses se font naturellement mais c’est particulier de travailler à deux. Il faut avoir une confiance réciproque forte, un respect mutuel et une compréhension de l’histoire. Leyho avait tout ça. Il avait bien compris le sens du récit ; son coup de crayon pouvait apporter quelque chose et la couleur était une donnée essentielle. Ça s’est fait naturellement et on a bien bossé.

Tu dis t’intéresser à l’histoire de France mais tu cibles essentiellement la Bretagne et en particulier l’Ille-et-Vilaine.  Pourquoi ce choix, alors que tu as beaucoup voyagé ? 

Olivier : Pour le moment, je travaille beaucoup sur l’Ille-et-Vilaine parce que j’ai trouvé des sujets qui m’ont plus, que j’ai trouvés pertinents. C’est vrai que j’ai beaucoup voyagé et j’ai énormément de notes, de matière, dans les tiroirs, que je pense utiliser un jour, sous une forme historique ou autre. Ça viendra un jour, peut-être

Tu as permis la réalisation de plusieurs projets qui se démarquent : B-Sensory, les éditions SIXTO ou GOLIWOK PROD. Pourquoi de tels projets ? 

Olivier : J’aime bien avoir plusieurs aventures en parallèle. j’ai une grande difficulté à me contenter de ce que j’ai et il y a toujours des projets en cours. De la même manière, on a créé un festival du polar en 2016, La Vilaine était en noir, avec des partenaires rennais du milieu. Cette association existe toujours sous la forme de podcasts sur GOLIWOK PROD. Mais il y a toujours une cohérence éditoriale avec des récits, des fictions. Je n’arrive pas à me contenter d’une seule activité. J’ai besoin de challenges, de création.

Ces créations sont originales : une édition érotique couplée avec un sex-toy ! Une autre où chaque histoire se déroule dans une ville différente, et GOLIWOK PROD qui est une entité sonore. 

Olivier : Je suis mon instinct et les rencontres avec les gens qui y sont pour beaucoup. Il y a les opportunités comme PLAYAD, sur le jeu de société. Je n’ai pas peur de m’engager, de m’investir. Ce sont peut-être des projets originaux mais je ne l’analyse pas comme ça car je le fais naturellement. A l’arrivée, ça donne une aventure qui s’enclenche et j’ai la persévérance pour aller jusqu’au bout des choses. Ce ne sont pas de simples idées qui restent dans les tiroirs ; ce sont aussi des concrétisations. J’avance comme ça, entre la passion et la raison. C’est ma dynamique.

La dernière création se nomme GOLIWOK PROD. Comment est venue l’idée ?

Olivier : GOLIWOK PROD fait suite à l’aventure de B-Sensory, dont j’étais le directeur éditorial pendant presque cinq ans. A la suite de cette aventure numérique, j’ai eu envie d’en connaître un peu plus. J’ai refait un Master en stratégie digitale et mon mémoire portait sur le podcast. A la suite de ça, j’ai eu envie de poursuivre l’aventure et j’ai créé GOLIWOK PROD, qui est une agence de production d’histoires sonores et de podcasts. Ça reste toujours une envie de raconter des histoires, sous une forme différente. Nous sommes encore dans le récit, dans l’histoire, mais spécialisés dans le patrimoine, la culture et probablement l’environnement aussi, qui est une donnée essentielle du moment. J’en suis au début de l’aventure et j’ai quelques beaux projets sur 2021-2022

Au sein de GOLIWOK PROD, tu as un dogme : « du contenu de qualité ». Pourrais-tu développer ? 

Olivier : Je trouve qu’en terme de contenu, il y a beaucoup de copier-coller. Des choses qu’on voit passer mille fois sous une forme différente ou quasiment identique. J’ai à coeur de traiter les sujets de manière originale. Pour les 300 ans de l’incendie de 1720, on a créé un genre de conte sonore. c’est à la fois différent, très original, un peu théâtral. On travaille avec un studio, une production, des comédiens. J’essaie aussi de travailler en local

Pourquoi ne t’occupes-tu pas de la section Polar ? 

Olivier : Quelque part, je m’en occupe, mais je suis derrière, a contrario des fictions. On a cette émission mensuelle, « La Vilaine était en noir », où l’on rencontre un éditeur, un auteur, quelqu’un qui touche au polar … Je connais du monde et l’idée, c’est de les mettre en lumière. C’était déjà l’idée du festival en 2016 et l’émission la reprend : mettre en lumière des acteurs du polar qui souvent souffrent de ne pas avor assez de visibilité. Là aussi, je travaille en local pour qu’ils aient un peu plus de visibilité, pour qu’ils puissent progresser.

Que ce soit pour ton travail ou tes études, tu es dans le numérique. Comment travailles-tu maintenant que technologie doit rimer avec éthique et écologique ? 

Olivier : Je m’y intéresse ; je vois les choses passer, mais pour étudier en profondeur le sujet, malheureusement, Google reste le moteur de recherche le plus puissant. 95 % des requêtes sont faites sur Google. Mon site est construit en référencement naturel, par rapport à Google. J’ai beaucoup de respect pour tout ce qui est fait écologiquement en parallèle ; c’est important. Mais dans un premier temps, pour lancer une activité, un site internet, se priver de Google, c’est impossible. Je ne suis pas engagé comme ça aujourd’hui. Je le serai plus dans mes sujets traités dans les podcasts, où je m’intéresserai à toutes ces questions essentielles, mais pas sur les technologies employées.

L’article paru sur Balades Armoricaines

Balades Armoricaines, c’est plus qu’une agence de visites.
Avec humour, Anne-Isabelle Gendrot propose des visites thématiques, ludiques et décontractées. Pour ce partenariat autour d’Hélène Jegado, nous avons rencontrés les auteurs de La Jégado, tueuse à l’arsenic, édité aux éditions Locus Solus. Merci à Anne-Isabelle Gendrot de la confiance accordée.

DANSE MACABRE

DANSE-MACABRE.jpgEnvoyé à Rennes pour couvrir un procès médiatisé, Lazare va peu à peu mener son enquête. Plongé dans les méandres de la capitale bretonne, il va faire remonter à la surface des souvenirs inavouables. Heureusement il peut compter sur Léa, un lieutenant de police et Tex, jeune génie de l’informatique.

Danse Macabre est une curiosité. Une bande dessinée uniquement en noir et blanc. Ca tombe bien, c’est du polar. L’enquête, bien que classique, n’en mérite pas moins le détour. Le décor est fabuleux. Ceux qui connaissent Rennes s’amuseront à distinguer les lieux cités. Des lieux, qui pour l’occasion, sont magnifiés. Les immeubles, les places sont mis en valeur par l’éclairage, par le cadrage, mais toujours dans l’optique de rester dans l’ambiance. Les personnages sont du même acabit : en marge de la loi, voire teigneux pour le héros Lazare. Un personnage principal, à peine sympathique, qui fait tout pour résoudre l’enquête avec perte et fracas. Pour sa première affaire en terre bretonne, il va être servi : maison close, magnats influents, menaces, tous les gimmicks de la littérature policière sont réunis. A notre plus grande joie, ça fonctionne. Le cadrage perturbe, dérange. Le lecteur se demandera par moment si le récit a basculé dans le fantastique. Ce n’est pas le cas, mais l’ambiance s’en rapproche fortement.

Deuxième bande dessinée des éditions Sixto, Danse Macabre nous sert sur un plateau sa ligne éditoriale : faire vivre une histoire policière dans nos lieux quotidiens. Après Nantes, voici Rennes. L’alchimie Luc Monnerais/ Olivier Keraval fonctionne très bien. Passionnés du genre ou simple amateur, ce livre dévoile la face cachée de Rennes, ainsi qu’une histoire ténébreuse.

DANSE MACABRE
SCENARISTE : OLIVIER KERAVAL
DESSINATEUR : LUC MONNERAIS
COLLECTION : CASANOSTRA
EDITIONS : SIXTO